1h40, 4.5 km de distance, 150 m de dénivelé, avec 2 bâtons. Pour le petit phénomène signalé dans le précédent article, je pense que c'est dû aussi à ce que depuis sans doute des années j'avais un flexum de 20°, c'est-à-dire que quand je tendais la jambe au maximum en fait elle restait fléchie de 20°, et maintenant ce défaut a été en grande partie corrigé, ce qui contribue sans doute à me générer cette impression de retour à une position de blocage du genou ? J'ai perdu l'habitude de gérer la position de flexion inférieure à 20°, et ça plus la nouvelle forme de mon articulation génèrent ces sensations bizarres. Je m'habituerai certainement, et je regagnerai des amplitudes de mouvement, mais ce qui est pénible et déprimant pour le moment c'est que j'ai toujours mal en permanence, 24h/24, c'est ce qui est le plus pénible, ça me gêne pour dormir, aucune position n'est confortable, tous les gestes quotidiens sont compliqués (s'asseoir, se lever, s'habiller, se coucher, mettre les chaussures, les enlever, etc). Je n'ai rien gagné en amplitude depuis que je suis sorti de la clinique, même pendant les 2 semaines au centre de rééducation. Je vais arrêter les médicaments anti-douleur qui ne sont visiblement pas efficaces, mais qui provoquent par contre des effets secondaires. Je ne vais pas me droguer pendant des semaines !

Le point de contact entre le fémur et le tibia, donc l'axe de rotation, est quasiment au même endroit avant et après, par contre on voit clairement que la courbure est nettement plus prononcée après qu'avant, ce qui provoque cette instabilité tant que mes muscles et tendons, ainsi que ma proprioception et ma kinésthésie, ne s'y sont pas adaptés.

Jeudi j'ai tondu et débroussaillé ma pelouse, en boîtant, ça m'a pris un temps fou par rapport à d'habitude et ça m'a épuisé, à tel point que j'ai passé le vendredi à dormir. Aujourd'hui je me sens moins fatigué et je tente une marche près de chez moi, avec 2 bâtons bien sûr : 2h05, 4.6 km de distance, 115 m de dénivelé. Allure de tortue bien entendu, mais je suis hyper-content quand même de ne plus être dans une chambre d'hôpital et de pouvoir "gambader joyeusement" (en tous cas "claudiquer lourdement") sur les chemins de campagne. Je crains de devoir payer ce plaisir un peu plus tard, on verra, j'ai bien glacé mon genou sitôt rentré. J'ai remarqué que les efforts en très légère flexion provoquaient un retour à la position de blocage du genou, ce qui me semble dû, maintenant que je commence à retrouver quelques sensations, à la nouvelle forme du plateau tibial et des condyles fémoraux qui m'ont été changés, artificiels maintenant. Il faudra que je m'habitue, ça disparaîtra probablement avec le retour à une marche plus assurée.

Ça y est, 22 jours après l'opération un VSL vient me chercher au Centre de Soins de Suite et de Réadaptation et m'emmène à la clinique pour un bref contrôle avec le chirurgien qui m'a opéré, puis m'amène chez moi. Je n'ai plus d'agrafes ni de pansements, finies les piqûres d'anticoagulant, le genou gauche est encore enflé mais ça a bien diminué, par contre il est toujours douloureux à l'intérieur alors que certaines zones sont insensibles au toucher en surface. On me dit de porter encore les bas de contention pendant un mois, mais c'est trop pénible je ne vais sûrement pas le faire d'autant que ça m'est presque impossible de les enfiler tout seul. La marche sans béquilles est possible bien que lentement et en boitillant, je peux monter les escaliers avec mes deux jambes mais lentement, sans forcément m'accrocher à la rampe si je ne suis pas chargé et si l'escalier est très court, par contre je ne peux pas les descendre, il faut que je fasse tout sur la jambe valide, l'autre restant tendue. J'ai peu de flexion, je ne parviens pas à faire un tour de pédale sur un vélo d'appartement (beaucoup trop douloureux), j'ai du mal à rentrer la jambe dans la voiture par la portière, il faut que je me tortille astucieusement pour éviter la trop forte douleur, mais une fois installé au volant je peux conduire quasi-normalement (je ne ferais pas 500 km mais pour faire les courses ça suffit). Je suis donc autonome et j'en profite pour aller acheter à bouffer car j'avais vidé et éteint le frigo avant de partir. Chez moi la pelouse est devenue une vraie forêt vierge, mais le toit ne semble pas avoir souffert des orages de grêle.

Inutile de se voiler la face, ni de se raconter des histoires : la pose d'une prothèse de genou est une opération lourde dont les suites sont longues. On peut se mettre debout dès le lendemain de l'opération, et on peut se déplacer lentement sur de courtes distances à l'aide de béquilles, ce qui permet quand même d'être autonome pour aller aux chiottes ce qui est moralement et pratiquement très important. Cependant toutes les actions banales du quotidien, auxquelles on ne fait pas attention en temps normal, virent très vite aux championnats de France de gymnastique aux agrès. Tous les mouvements sont dissymétriques du fait qu'on ne peut presque pas plier la jambe opérée et qu'elle fait mal, il faut s'accrocher comme on peut, tous les mouvements se font de travers par rapport à d'habitude, et il est indispensable d'avoir une force certaine dans les épaules, les bras, les abdos et l'autre jambe, ce qui doit être très problématique pour les personnes vraiment âgées. Et de toutes façons, malgré les nombreux médicaments qu'on est obligé d'absorber plusieurs fois par jour (Dafalgan, Contramal, Acupan, Kétoprofène, Inipomp, Tardyferon, acide folique, piqûres d'Innohep, prises de sang régulières, bas de contention qui remontent jusqu'à l'aine, glaçages), la douleur n'est pas supprimée et reste quand même permanente, ce qui gêne toutes les fonctions : moral, sommeil, vie quotidienne, et provoque une fatigue physique et psychologique non négligeables. Sans compter toutes les petites joyeusetés qui viennent se greffer sur ce mauvais état général : plaques rouges sur la gueule, aphtes dans la bouche, boutons de fièvre, constipation... Pour ma part ça fait 10 jours que j'ai été opéré mais je ne suis pas près de reprendre une vie normale avant encore un bon moment, même si ça progresse très lentement.

Et pour les personnes pas trop sensibles, voilà l'aspect de ma cicatrice aujourd'hui : 20 cm de longueur, 35 agrafes. J'ai l'impression d'avoir le genou comme une pastèque : une grosse boule qui irradie de la douleur et que je peux à peine fléchir.

"Reste" plus maintenant qu'à attendre que la douleur, l'oedème et l'inflammation disparaissent, que la cicatrice se ferme, et à bien rééduquer, progressivement, sans forcer pour ne pas faire de connerie mais tout en forçant quand même pour ne pas trop perdre d'amplitude et de mobilité. On peut maintenant m'appeler "Dugenou", "Robocop", ou autre "Terminator".

Par un temps assez nuageux mais moite de chez moite (viens chez moite j'habite chez une colline). Demain je rentre à l'hosto, et mardi on me remplace mon genou. Et après : advienne que pourra. J'avoue que je ne suis pas rassuré, pas tant pour l'opération elle-même que pour les suites immédiates (déjà que pour une simple égratignure il faut 15 jours pour cicatriser, là c'est carrément de la boucherie) et pour la récupération à moyen et long terme (arriverai-je à faire 20 km et 1500 m à pieds sans souffrance au genou ?). Alors aujourd'hui j'ai profité, un petit tour à pieds suivi d'un petit tour à vélo.